Un scientifique répondra avec raison qu’il a été publié mille thèses sur les interactions science-société et qu’il s’en prépare mille autres. Un capitaine d’industrie jugera, non sans moins de raison, que la question est à côté des préoccupations et en dehors des sphères de maîtrise. Un journaliste craindra l’instrumentalisation et un politique entreverra un risque de capter ce qu’il sait de la nature humaine, chacun avec raison. Mais posée à un acteur de la culture scientifique, industrielle et technique, la question interpelle ce à quoi la science nous permet d’accéder et ce qu’elle véhicule.
Le sens est celui de la liaison entre science et démocratie. Pour aller en dessous, l’IHEST dissèque et analyse la question. Etienne Klein, le président de l’IHEST au cours du déplacement de la promotion 2016-2017 au Japon a bien illustré ce sens : "nous sommes gouvernés, sinon par la science elle-même, du moins au nom de quelque chose qui a à voir avec la science". "L’IHEST n’est pas un laboratoire scientifique et n’a pas vocation à l’être. Il n’est pas non plus un laboratoire de sociologie. Nous ne sommes donc ni des professeurs de science ni des « acceptologues » (lire la totalité du discours). L’IHEST se tient tout simplement dans l’entre, dans l’entre de la science et de la société, là où il n’y a pas grand-monde. Il regarde les deux et se met lui-même en regard des deux, il les met en tension, ce qui permet d’aider à la prise des meilleures décisions".
Nous vous proposons, par ailleurs, un tour panoramique de travaux conduits depuis cet "entre" –Lire l’article Science, politique et démocratie. En l’occurrence cela ouvre sur trois questions imbriquées : i) Quels sont les attributs de la science qui la lient à l’exercice de la démocratie ? ii) Qu’est-ce qui fait de la science une fabrique de débats ? iii) En quoi la science assure-t-elle la valeur publique de la politique ?
- • Le 21 février l’assemblée nationale adopte une résolution sur Les sciences et le progrès dans la République.
- • Le 9 mars est lancée la Stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industriellepar la ministre en charge de la culture et le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche ; elle vient compléter les Stratégie nationale de l’enseignement supérieur, STRANES, et Stratégie nationale de recherche SNR.
- • Le 22 mars, les responsables d’établissements de recherche et de médiation scientifique signent la Charte des sciences participatives, une des actions préconisées dans le rapport de François Houllier remis au ministère au printemps 2016 .
- • Le 27 mars c’est le livre blanc Société Enseignement Supérieur Recherche préparé par l’Alliance Science Société qui est présenté publiquement.
Qu’ai-je, moi-même identifié, en tant que scientifique et gestionnaire d’activités scientifiques, lorsque je me suis approchée des initiatives entre la science et la société, de plus en plus foisonnantes ? A quoi fait on appel lorsqu’on en appelle à la recherche scientifique ?
- La capacité scientifique à équilibrer ce qu’on sait, à mobiliser les savoirs dans un objectif ou sur un objet, on peut y voir une certaine autorité de la science, mais aussi cette forme d’équilibre de mobilisation et de mise en travail orientée vers le futur.
- La méthode scientifique pour faire œuvrer différentes sources de savoir, afin d’en produire de nouvelles, cela est lié à ce que la science a de légitime, mais on retrouve là son rôle de garant.
- La propension du scientifique à construire des argumentaires qui l’emportent, à faire connaître et reconnaitre ; là se situe sa responsabilité, y inclus pour les générations futures, et donc aussi sa capacité à transmettre ; la science est féconde.
Résumons, équilibre des savoirs, garanties, transmission, le tout dans une orientation future, c’est un projet scientifique, culturel ou politique en soi. Tous ces travaux valeureux nous donnent les moyens d’acquérir des réflexes, indispensables pour éviter l’attrition des espaces ouverts au dialogue. Des réflexes pour i) prendre soin des connaissances pour notre démocratie, ii) savoir que le débat demande un temps de fabrique et iii) s’appuyer sur une culture scientifique qui nous concerne tous.