Transcription intégrale de l’intervention
C’est une question qui mériterait de longs débats mais que je vais essayer d’aborder rapidement. L’éducation ne fait pas partie des prérogatives européennes. De ce point de vue, l’éducation ne se trouve pas dans la même position que la recherche ou l’enseignement supérieur puisqu’elle ne fait pas partie des prérogatives européennes. Elle reste le domaine exclusif des Etats. Il n’a jamais été question de façon sérieuse de transférer cette compétence vers le champ communautaire. Il est en soi intéressant que cette question de l’éducation soit aussi solidement arrimée au national - je ne dis pas aux cultures linguistiques - à la forme que prend la Nation dans l’Europe moderne, à savoir la forme de l’Etat moderne qui est une manière assez particulière de concevoir la relation entre des sociétés culturelles et des sociétés politiques.
Cet Etat moderne, nous l’avons complètement naturalisé, nous n’y pensons plus. Pourtant il s’agit là d’un artefact somme toute assez récent et qui pourrait être discuté, tout comme d’autres types d’artefacts comme nous le voyons bien à travers les débats qui ont lieu aujourd’hui en Europe. Pensons au débat des indépendances que l’on qualifie d’indépendance régionale, mais que leurs promoteurs qualifient d’indépendance nationale, culturelle.
Prenons le cas de l’Ecosse ou de la Catalogne. On voit bien là qu’il y aurait d’autres façons de stabiliser les équilibres relationnels entre langue, société culturelle et société politique. Ce renvoi de l’école au domaine national - même si dans certains Etats l’école peut ensuite être fédéralisée - est déjà en soi un sujet qui mériterait d’être discuté longuement. N’est-ce pas contradictoire avec ce qui pourrait être l’idée même d’une éducation européenne ? Nous en sommes loin. Si j’avais le temps j’aborderais la question très intéressante de la possibilité (ou non) d’écrire des manuels scolaires européens. Il existe un très beau manuel scolaire franco-allemand qui a été très difficile à écrire, et pas forcément pour les périodes qu’on imagine comme les deux guerres mondiales. Ce sont d’autres périodes qui posent problème.
Cette idée d’éducation européenne fait défaut dans une certaine mesure. D’où mon embarras quand j’ai commencé à réfléchir à la façon dont je pouvais répondre à vos questions. Elle fait défaut car ce sont les Etats qui la promeuvent. Néanmoins, la communauté européenne a été très tôt sensible à cette distorsion entre le principe d’une Europe qui pourrait s’appuyer sur une idée de l’éducation européenne et le fait que cette question soit renvoyée aux politiques d’Etat. Assez tôt, l’Union Européenne a mis en place du travail collectif dans le cadre de la coopération entre gouvernements. Cette démarche s’est considérablement accrue dans les années 90.
Dès lors que, dans le cadre des réflexions qui vont mener au traité de Lisbonne, on a commencé à formuler l’idée d’une Europe définie comme société de la connaissance, la question éducative est apparue comme une question devant être prise en charge par la communauté européenne, alors appelée à se doter de moyens d’intervention. On a alors vu apparaître des programmes considérés comme des programmes en miroir de programmes pouvant exister dans le domaine du supérieur. C’est ainsi par exemple que le programme Comenius va se constituer comme le miroir du programme Erasmus, mais pour l’enseignement scolaire. A tel point que, dans le cadre de la révision de la politique européenne qui a mené à l’horizon 2020, le programme Comenius a disparu en tant que tel et a été intégré en programme Erasmus+, donnant ainsi l’idée que cette problématique de la mobilité des écoliers était de même nature que celle de la mobilité des étudiants. Une idée dont on pourrait discuter. Certains tenants du programme Comenius n’ont d’ailleurs pas forcément été complètement d’accords avec cette intégration dans un Erasmus+ qui par ailleurs a repris l’essentiel de ce que Comenius proposait en changeant néanmoins les modalités d’application.
Plutôt que de passer en revue les très nombreux outils d’intervention, je vais essayer de retrouver des mots clés de cette politique communautaire - discrète mais de plus en plus présente - fondée sur la volonté des Etats de coopérer. Or l’intergouvernemental et la coopération en Europe est ce qui est le plus complexe à mettre en œuvre. Il y a de très nombreux exemples où cette coopération entre Etats n’est pas forcément très productive dans la mesure où elle se limite à la bonne volonté des Etats, en particulier en termes de financement et de poursuite des objectifs de ces politiques.